Appel à l’action pour les dirigeants mondiaux
Dans le monde entier, la démocratie et la solidarité sont mises à mal, affaiblissant la coopération mondiale nécessaire pour faire face à des crises comme la malnutrition. La polarisation politique, l’autoritarisme et les agendas nationalistes entravent les efforts collaboratifs pour relever les défis mondiaux. La faim et la malnutrition sont en augmentation, et le monde est loin d’atteindre les Objectifs mondiaux de nutrition et l’ODD 2 d’ici 2030.
Introduction
Dans ce contexte dramatique, la société civile accueille avec urgence le sommet N4G comme une opportunité cruciale pour stimuler l’action mondiale sur la nutrition et espère qu’il suscitera également un engagement renouvelé en faveur de la solidarité internationale, de la participation démocratique et de la responsabilité partagée.
Les enjeux sont immenses. Des millions de vies sont en danger alors que les financements des programmes de nutrition sont réduits. Les coupes de l’aide — estimées à 44 % — menacent des décennies de progrès, avec une baisse de 290 millions USD du financement pour la malnutrition aiguë sévère. Selon le Standing Together for Nutrition Consortium dans une analyse publiée dans Released in Nature, cela met 2,3 millions d’enfants en danger de perdre un traitement vital, et sans celui-ci, jusqu’à 60 % pourraient mourir. Le consortium estime que ces coupes entraîneront 369 000 décès d’enfants supplémentaires par an. Elles affectent également des programmes vitaux dans les domaines de la santé, de l’agriculture, des cantines scolaires et de l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Ne pas agir maintenant serait un choix politique et économique aux conséquences humaines dévastatrices.
Au-delà du coût humain, selon le World Bank Investment Framework for Nutrition, le coût de l’inaction est stupéfiant : 41.000 milliards USD sur 10 ans. En comparaison, investir dans la nutrition pourrait générer 2 400 milliards USD de bénéfices, avec un retour de 23 dollars pour chaque dollar investi.
En marge du sommet N4G, des organisations de la société civile du monde entier se sont réunies pendant deux jours au Pavillon de la société civile pour affronter ces défis pressants et tracer une voie à suivre. De ces discussions, la société civile s’unit derrière un ensemble de recommandations clés, soutenues par plus d’une centaine d’organisations représentant des milliers de spécialistes de la nutrition, militants, jeunes, travailleurs de terrain et professionnels engagés dans la mise en œuvre des interventions nutritionnelles.
Recommandations clés
1) Mettre les personnes au centre : égalité de genre, droits humains et leadership local
- Garantir un accès universel à la nutrition : Tous les acteurs doivent veiller à ce que chacun ait un droit effectif à la nutrition, sans discrimination, notamment les femmes et les filles. Conformément au droit et aux principes humanitaires, la faim ne doit jamais être utilisée comme arme de guerre.
- Reconnaître l’importance cruciale des 1.000 premiers jours : La nutrition entre la grossesse et le deuxième anniversaire de l’enfant est essentielle pour la santé, le développement et la résilience à long terme. Les gouvernements et bailleurs doivent prioriser les interventions protégeant et nourrissant les mères et jeunes enfants durant cette période critique.
- Assurer une participation significative des communautés concernées : Les femmes, enfants, jeunes, petits exploitants agricoles et peuples autochtones doivent avoir un rôle direct et influent dans l’élaboration des politiques et programmes de nutrition qui les concernent.
- Financer et renforcer le leadership local : Les bailleurs et gouvernements doivent accorder un soutien direct aux organisations locales, mieux placées pour proposer des solutions nutritionnelles efficaces et durables.
- Garantir l’espace civique et la participation : Face à une tendance mondiale à la restriction de l’espace civique, la société civile doit disposer des ressources et libertés nécessaires pour exiger des comptes aux gouvernements et institutions, afin de s’assurer que les politiques nutritionnelles placent les personnes avant la politique.
2) Assurer une redevabilité et une transparence durables des engagements nutritionnels
- Faire de la redevabilité une exigence non négociable : Sans mécanismes de redevabilité solides, les sommets sur la nutrition risquent de devenir de simples vitrines politiques sans résultats concrets. Chaque engagement nutritionnel doit inclure des mécanismes de suivi clairs et les financements nécessaires à leur mise en œuvre.
- Renforcer les systèmes de données nationaux : Des systèmes de données robustes, indépendants et bien financés sont essentiels pour suivre les engagements financiers et les résultats nutritionnels. Les données doivent être transparentes, accessibles et disponibles au public.
- Soutenir le Nutrition Accountability Framework (NAF) : Les gouvernements et bailleurs doivent financer et s’impliquer activement dans cet outil essentiel de suivi et de transparence des engagements nutritionnels.
- Appeler à un bilan mondial : Face à l’incertitude concernant le prochain sommet N4G, un moment de bilan mondial est nécessaire pour maintenir l’élan, évaluer les progrès et renforcer la redevabilité. Un gouvernement doit se porter volontaire pour accueillir le prochain N4G et maintenir la nutrition au sommet de l’agenda mondial.
3) Assurer un financement durable, flexible et accru pour la nutrition
- Protéger le financement à long terme contre l’instabilité politique : La lutte contre la malnutrition doit rester une priorité mondiale, même en période d’instabilité financière. Les investissements doivent être augmentés, maintenus et à l’abri des aléas politiques.
- Aligner les ressources sur les priorités nationales : Le financement doit être dirigé par les pays, basé sur des données et adapté aux réalités locales. Il doit renforcer les systèmes locaux et permettre des solutions adaptées aux contextes.
- Diversifier et innover les sources de financement : Les gouvernements doivent mobiliser des ressources domestiques et recourir à des mécanismes innovants comme la réaffectation des subventions agricoles, les obligations à impact, les fonds de contrepartie, la fiscalité, l’allégement ou l’échange de dettes. Le secteur privé, les philanthropes et les institutions multilatérales doivent aussi investir stratégiquement.
- Financer la production et l’usage de données probantes : Il est nécessaire d’investir non seulement dans les programmes nutritionnels, mais aussi dans la génération, le partage et l’utilisation de preuves scientifiques de qualité pour orienter les politiques et amplifier les réussites.
- Soutenir la société civile pour garantir un impact équitable : Lorsqu’elles sont bien financées, les OSC jouent un rôle clé de médiateur de confiance, amplifiant la voix des communautés, assurant la redevabilité, et reliant les solutions locales aux financements innovants pour un impact équitable et efficace.
4) Faire de la nutrition un pilier central du développement mondial et de la réponse aux crises
- Reconnaître la nutrition comme fondement du développement mondial : Prioriser et intensifier des approches holistiques, multisectorielles et centrées sur les personnes dans les contextes humanitaires et de développement, notamment dans la santé, l’éducation, l’agriculture, le climat et la protection sociale.
- Prioriser la nutrition en situation d’urgence et dans les contextes fragiles : Il est urgent de restaurer et renforcer les programmes essentiels, en particulier le traitement de la malnutrition aiguë sévère, la prévention, et l’intégration d’approches multisectorielles dans les contextes fragiles.
- Renforcer les systèmes locaux pour la résilience à long terme : Investir dans les systèmes alimentaires locaux, les stratégies nutritionnelles résilientes au climat et la protection sociale pour prévenir la malnutrition et protéger les communautés contre les futurs chocs.
5) Tenir le secteur privé responsable des solutions nutritionnelles
- Promouvoir une alimentation saine, abordable et des produits nutritionnels essentiels : Le secteur privé doit s’aligner sur les priorités gouvernementales pour accroître la disponibilité d’aliments nutritifs et abordables ainsi que de produits essentiels comme les suppléments en micronutriments et les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi.
- Assurer la redevabilité par la régulation : Gouvernements, bailleurs et société civile doivent faire respecter des cadres réglementaires solides centrés sur la santé publique. Le secteur privé doit se conformer pleinement, y compris en limitant la promotion et la disponibilité des aliments ultra-transformés et des boissons sucrées.
- Soutenir des systèmes alimentaires durables, équitables et fondés sur les droits : Le secteur privé doit contribuer à des systèmes alimentaires soutenant la bonne nutrition, durables et respectueux des droits humains et des normes environnementales.
- Respecter le Code BMS : Le secteur privé doit se conformer pleinement au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et aux résolutions de l’Assemblée mondiale de la santé connexes, en évitant tout marketing nuisible à l’allaitement et à la santé publique.
Conclusion : Agir maintenant ou risquer de trahir toute une génération
Les dirigeants mondiaux ont un choix à faire : agir et tenir leurs engagements en matière de nutrition, ou laisser une crise évitable s’aggraver — avec des conséquences humaines, économiques et sociales qui se feront sentir pendant des générations.
Ce n’est plus seulement une obligation morale. Chaque jour d’inaction entraîne des vies gâchées et un développement freiné. Le coût économique de l’inaction est énorme — estimé à 41.000 milliards USD sur la prochaine décennie — alors que les bénéfices de l’investissement en nutrition sont prouvés et considérables.
Des opportunités critiques se profilent : la prolongation de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition, le G7, le renouvellement des cibles de l’Assemblée mondiale de la santé, et plus encore. Mais ces occasions ne doivent pas être symboliques : elles doivent aboutir à des avancées concrètes.
La société civile ne restera pas silencieuse. Elle continuera à exiger des engagements ambitieux, à pousser pour la redevabilité, et à plaider pour des changements significatifs. Mais les gouvernements, bailleurs, institutions internationales et le secteur privé doivent eux aussi se montrer à la hauteur.
Nous nous engageons à faire notre part : à travailler ensemble et non en silos ; à rompre avec le statu quo ; à aligner nos efforts pour un impact maximal. Lorsqu’elle dispose de l’espace, des ressources et du respect nécessaires, la société civile peut être l’un des meilleurs alliés des gouvernements — en reliant les engagements de haut niveau au changement concret dans les communautés.
Le moment d’agir, c’est maintenant. L’échec n’est pas une option.
Liste des organisations signataires
Act4Food – Action Against Hunger/ACF – Action for Climate Change and Environmental Conservation ( ACCEC) – Action Santé Mondiale/Global Health Advocates – Actions for Responsible Impact Solutions – Advocacy Coalition for Sustainable Agriculture – Agency for Integrated Rural Development (AFIRD) – Alianza de la Sociedad Civil SUN Colombia – Alianza SUN Honduras – ALIMA – Alliance de la Société Civile pour l’Intensification de la Nutrition au Bénin (ASCINB) – ALLIANCE OSC TCHAD – Alliance pour la Nutrition au Togo (ANT) – Alliance Sun Côte d’Ivoire – Amani Initiative – Amref Health Africa – Actions pour des solutions d’Impact Responsables – ASOS ( Action Socio-sanitaire Organisation Secours) – Association pour l’Amelioration de l’Alimentation de la Mère et de l’Enfant au Sud kivu/Ameki – ATRAHDOM – Babuka Development Ministries Uganda – BACH CONSULTING POUR LE DÉVELOPPEMENT (BCD-ONG) – Beyond Our Hearts Foundation – Bread for the World – Broederlijk Delen – CARE international – Caritas Bénin – CCPS – Centre for Ecological Governance and Gender Initiatives (CEGGI) – Children Advocacy Forum Sierra Leone – Civil Society Coalition on Transport Uganda – Civil Society Organisations Nutrition Alliance – Civil Society Scaling Up Nutrition in Nigeria- SUN CSA Nigeria – Community Action for Human rights-(CAFHUR) – Complexe Agro-Pastoral Écho dès Jeunes Ruraux CAP-EJR -Concejo Consultivo para la Prevención y Reducción de la Desnutrición Crónica Infantil -Concern Worldwide UK -Congo Peace Academy -Coopération pour l’Appui au Développement Intégral du Togo -Cordaid – COSADER – CSO SUN Kyrgyzstan – Edesia Nutrition – Elrha – Ethiopian Civil Society Coalition Scaling Up Nutrition-Save the Children – ETUDES ET RECHERCHES APPLIQUEES POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE (ERAD) ONG Bénin – Food for the Hungry Inc. – Food Rights Alliance – Food rights Network Eastern Uganda – Food safety Coalition Uganda(FoSCU) – French Red Cross – Fundecooperación – GAMBIA FOOD AND NUTRIRION ASSOCIATION (GAFNA) / CIVIL SOCIETY SCALING-UP NUTRITION OF THE GAMBIA (CS-SUN-G) – GEMS HEART OUTREACH DEV’T Inc – Ghana SUN Civil Society Alliance – Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN) – Global Citizen – Global Consumer Centre(CONSENT) – GRAINES – GRET – GROUPE CHRETIEN DE RECHERCHE-ACTION POUR LA PROMOTION HUMAINE (GRAPHE-TOGO) – Groupe d’action pour l’Amour du Bien-être Familial (GABF-ONG) – GROUPE DE RECHERCHE ACTION POURL’EDUCATION AU DEVELOPPEMENT (GRED) – Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives de Base pour un Développement Durable (GRAIB) – Grupo de Investigación en Nutrición y Sistemas Alimentarios Saludables y Sostenibles – HarvestPlus – HarvestPlus Solutions – Helen Keller Europe – Helen Keller International – HOPE SBH – Indonesian Food Fortification Foundation – International Care Ministries – International Institute of Rural Reconstruction – International Medical Corps – International Rescue Committee – KABAROLE RESEARCH AND RESOURCE CENTRE (KRC-UGANDA) – Kalusugan ng Mag-Ina, Inc (KMI) – Kirula Sevana Organization Sri Lanka – Children’s Clubs – MAICC – Mercy Corps – Micronutrien Forum – Mothers2mothers – Moving Minds Alliance – Mutuelle de Jeunes Chrétiens pour le Développement – N4D – Nutrition Foundation Nepal – Member: Civil Society Alliance for Nutrition Nepal (CSANN) – Nutrition International – Nutrition Promotion and Consultancy Service/ CSNNN, Nepal – Nutrition Sans Frontières – ONG ADIG – ONG AUTRE VIE BENIN – ONG CADO – Oxfam – PANITA – Patel foundation Uganda – PERUSAN – Philippine Association of Nutrition, Inc. – PLATEFORME HINA MADAGASCAR – Plateforme Société Civile SUN Sénégal – Première Urgence Internationale – RESCUE AND HOPE – Réseau de la société civile pour la Nutrition (RESONUT) – Réseau des ONGs de la Société Civile RDC pour le SUN – RESEAU NOSYW – Results Canada – Save the Children – Save the Children – Scaling Up Nutrition Civil Society Network UGANDA – SDG2 Advocacy Hub – Sevalanka – Shamba Centre – SIA N’SON ONG – Sierra Leone Alliance Against Hinger and Malnutrition SLAAHM – SITRADOM – Solidarités International – Somali Civil Society Alliance Scaling Up Nutrition – Sri Lanka Girl Guides Association – SUN Civil Society Alliance of Liberia (SUNCSAL) – SUN CSA Nigeria – SUN CSN Asia – SUN OSC Mali – SUN People’s Forum Sri Lanka – the Gender Nutrition Gap – The Power of Nutrition – Uganda land Owners Association – Universidad Mariano Gálvez de Guatemala – Vitamin Angels – Wahana Visi Indonesia – Women Care Initiative (member of the SUN Civil Society Alliance in Liberia) – World Vision Development Foundation – World Vision Ecuador
World Vision Ghana – World Vision International – World Vision International in Vietnam – YouthNet Global – Social Watch Bénin – Central Archdiocesan Province Caritas association (CAPCA) – GRAPAD – HOPE-SBH – Women Care Initiative (WOCI) – SUN Civil Society Network Secretariat – RESULTS – World Vision International Sierra Leone