Sabina Lakara est une jeune femme à l’histoire remarquable. Son parcours est un puissant témoignage de courage, de résilience et de potentiel de changement, pour mettre fin à l’excision.
À seulement 20 ans, Sabina est non seulement étudiante en santé communautaire à l’Université internationale Amref de Nairobi, mais aussi une ardente militante contre les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage des enfants dans sa communauté masaï de Kajiado, dans le sud du Kenya.
« Je suis la fille de Lakara Orkiepenye, un leader culturel de ma communauté, commence Sabina. J’ai grandi dans un petit village appelé Namelok au sein d’une famille polygame. Mon père a deux femmes et j’ai dix frères et sœurs. La vie dans notre communauté masaï marginalisée était difficile, surtout pour les filles.”
Dès son plus jeune âge, Sabina a été témoin des réalités déchirantes des MGF et des mariages forcés d’enfants.
« J’ai vu des filles endurer tellement de douleur pendant l’excision, et beaucoup ont été forcées d’épouser des hommes aussi âgés que leurs pères. Ça m’a fait peur. Je ne voulais pas ça pour moi-même.”
Un tournant
Le parcours de Sabina vers la défense des droits a commencé à l’âge de 12 ans lorsqu’elle a participé à son premier programme d’autonomisation Amref.
« Mon enseignante a abordé le sujet des MGF. C’était la première fois que j’entendais parler de ses dangers, et cela m’a laissée avec tellement de questions”, se souvient Sabina.
Quelques mois plus tard, une autre conférence lui a permis d’approfondir sa compréhension des risques pour la santé, associés aux MGF.
« Cela a changé ma perception et m’a donné le courage d’affronter mes parents, dit-elle. Et mon modèle, Nice Leng’ete – qui est une championne contre les MGF dans ma communauté – m’a donné les moyens de le faire aussi.”
La conversation de Sabina avec sa mère a été émouvante mais fructueuse.
“Ma mère s’est effondrée mais m’a promis tout son soutien. Cependant, quand j’en ai parlé à mon père, il était furieux. Il a cessé de payer mes frais de scolarité et a menacé de me chasser de la maison. C’était le point le plus bas de ma vie.”
Trouver du soutien
Au milieu de cette tourmente, Sabina a trouvé une bouée de sauvetage. Avec le soutien d’Amref et de généreux donateurs, ses frais de scolarité ont été payés jusqu’à ses 18 ans. Cela lui a donné l’espoir et l’énergie nécessaires pour commencer à changer les choses dans sa communauté.
Sabina a commencé à organiser des réunions hebdomadaires avec les filles de son village pour les éduquer sur leurs droits et les dangers des MGF.
« Ce n’était pas facile. Les gens m’ont traité de paria et m’ont donné des surnoms pour me géner, mais je n’ai pas arrêté.”
Pendant la pandémie de COVID-19, Sabina a intensifié ses efforts. Elle a travaillé avec le chef de secteur pour encadrer les filles et leur fournir des serviettes hygiéniques et des livres. Elle a également contacté les mères du village, gagnant leur confiance avec de petites incitations comme du sucre et du thé. Lentement, elles ont commencé à voir l’importance de mettre fin aux MGF.
Impact et espoir
La détermination de Sabina a donné des résultats remarquables.
« Je suis fière d’avoir sauvé plus d’une dizaine de filles des MGF et des mariages d’enfants, dont ma demi-sœur, qui bénéficie désormais d’une bourse de la Fondation Nice Place [soutenue par Amref Health Africa] de Nice Leng’ete, comme moi.”
La profondeur du changement se mesure quand les familles font face à des défis comme lors des longues saisons sèches que la région a connu ces dernières années. Les Maasaï vivent principalement de l’élevage. L’aggravation climatique impacte les cycles de transhumance et précarise les population. Il faut alors refuser de revenir à une ancienne tradition de marchandisation des filles. Dans sa communauté, le changement tient bon.
“Les familles donnent la priorité à l’éducation des garçons et des filles, plantent des arbres et changent leur mode de vie. À la fin de mes études secondaires, j’étais à mi-chemein du changement dont je rêvais.”
La relation de Sabina avec son père s’est également guérie. Voyant l’impact du travail de sa fille, ils sont devenus très proches, et il la soutient désormais dans ce combat. C’est une grande fierté pour elle.
Regard vers l’avenir
Sabina est consciente qu’il est difficile de changer une tradition. Mais les résultats de son action et celle de son modèle, Nice Leng’ete, l’encourage à persévérer. Les signes du changement sont là.
« Mon plus grand rêve est d’atteindre d’innombrables communautés et d’inspirer des changements positifs dans la lutte contre les MGF, le mariage des enfants et les inégalités en matière de santé. Ensemble, nous pouvons faire de ce rêve une réalité.”
Avec le soutien d’Amref Health Africa, la communauté masaï de Kajiado se transforme. Les projets renforcent l’égalité filles-garçons, avec une priorité sur l’accès à la santé et l’éducation. Des initiatives locales émergent pour diversifier l’activité économique : plantation d’arbres ou développement de parcelles agricoles. Les modes de vie évoluent et le signe le plus fort est que les MGF ne sont plus acceptées.
La force de Sabina nous inspire à poursuivre nos efforts. Elle nous passe un message puissant :
“Ne sous-estimez jamais votre pouvoir de changement. Si vous voulez faire une différence, commencez-le par vous-même.”