La société civile au cœur de la transformation de la santé en Afrique

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Les organisations de la société civile portent la voix des populations marginalisées et vulnérables, et jouent un rôle central pour combler les lacunes en matière d’équité et d’accès à la santé. Reconnaître leur valeur ajoutée et renforcer leur capacité contribue à transformer de manière durable la santé en Afrique. 

 

Dans le processus de construction de systèmes de santé performants, l’équité et l’accès aux soins de santé sont des piliers fondamentaux, susceptibles de façonner les résultats sanitaires des populations entières. Selon l’Organisation mondiale de la santé, ces principes sont au cœur du cadre de renforcement des systèmes de santé, qui vise à améliorer à la fois l’efficacité et l’efficience des systèmes de santé.

L’équité garantit que tout le monde, indépendamment du statut socio-économique, de l’ethnicité, du sexe ou de l’emplacement géographique, a une chance équitable de recevoir des soins de santé. L’accès implique la possibilité d’obtenir des services de santé essentiels lorsqu’ils sont nécessaires, en prenant en compte la disponibilité, l’accessibilité financière et la qualité. Ensemble, ces principes forment l’épine dorsale de tout effort visant à permettre aux individus d’atteindre leur plein potentiel de santé. 

Cependant, la situation sur le terrain dans de nombreuses régions d’Afrique présente des défis importants.

Prenons, par exemple, la situation des femmes enceintes dans les zones rurales, un rappel saisissant des inégalités persistantes en matière d’accès aux soins de santé. Le Nigéria, malgré le fait qu’il soit la plus grande économie d’Afrique, continue de lutter contre les disparités entre les soins de santé en milieu urbain et rural. Une étude de 2021 a révélé que 82,5 % des femmes dans les zones urbaines avaient une assistance qualifiée lors de l’accouchement, contre seulement 34,8 % dans les zones rurales.

Cette inégalité contraste fortement avec les progrès réalisés par le Rwanda, un pays ayant un PIB bien inférieur, mais un exemple éclatant de ce qui est possible grâce à un engagement fort envers les réformes du système de santé. Grâce à son régime d’assurance santé communautaire (Mutuelle de Santé), le Rwanda avait couvert environ 88 % de sa population en 2020, contribuant à une réduction spectaculaire de la mortalité des moins de cinq ans, passant de 50 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2015 à 38 pour 1 000 en 2022. 

Ces réalités contrastées rappellent puissamment que si les ressources économiques comptent, elles ne sont pas le seul déterminant de l’équité en matière de santé. Ce qui fait vraiment la différence, c’est une approche multifacette : des politiques stratégiques, des investissements ciblés dans le renforcement des systèmes de santé et l’engagement actif des organisations de la société civile. Lorsque ces éléments se rejoignent, ils peuvent transformer l’accès aux soins et l’équité, garantissant que chaque personne, où qu’elle vive ou qui elle soit, ait une chance réelle de mener une vie en bonne santé.

 

Un rôle central dans la promotion de l’équité et de l’accès aux soins médicaux essentiels 

Les organisations de la société civile sont depuis longtemps des défenseurs des populations marginalisées et vulnérables, leur donnant une voix dans les sphères politique, sociale et économique. Dans le secteur de la santé, elles jouent un rôle vital en comblant les lacunes en matière d’équité et d’accès. Elles identifient les problèmes de santé critiques, mobilisent des ressources et portent ces préoccupations au premier plan des discussions publiques et politiques, intervenant souvent là où les services publics sont limités ou les crises prolongées. 

Les organisations de la société civile, notamment les groupes de plaidoyer, les associations caritatives et les organisations communautaires, servent d’intermédiaires clés entre les gouvernements, le secteur privé et les communautés. Leurs rôles s’étendent de la prestation directe de services à l’éducation à la santé, en passant par le plaidoyer politique et la mobilisation communautaire, ce qui en fait des partenaires indispensables dans la quête de la couverture sanitaire universelle (CSU).  

 

Les défis auxquels sont confrontées les organisations de la société civile

Cependant, malgré leur importance, les organisations de la société civile en Afrique rencontrent des défis majeurs, les deux plus pressants étant l’instabilité financière et les environnements juridiques complexes. Elles sont nombreuses à dépendre fortement du financement des donateurs, qui est souvent imprévisible et à court terme. Cette instabilité financière entrave leur capacité à développer des programmes durables à long terme qui peuvent avoir un impact durable. L’évolution constante du paysage de l’aide les oblige à ajuster continuellement leurs stratégies, souvent au détriment de leurs missions fondamentales. 

De plus, de nombreux pays africains ont promulgué ou proposé des législations qui restreignent les activités des organisations de la société civile, notamment en ce qui concerne le financement étranger et le travail de plaidoyer. Ces cadres juridiques peuvent imposer des processus d’enregistrement contraignants, des exigences strictes en matière de rapports et des limitations géographiques des opérations, entravant considérablement la capacité de ce organisations à fonctionner efficacement et à résoudre les inégalités en matière de santé. 

 

Des recommendations clés 

Pour surmonter ces défis, les parties prenantes doivent se concentrer sur trois domaines essentiels. Premièrement, le renforcement des collaborations stratégiques entre les organisations de la société civile, les gouvernements et le secteur privé est crucial. Par exemple, le partenariat du Réseau budgétaire africain pour la santé avec les gouvernements pour améliorer la transparence du financement de la santé montre comment ces alliances peuvent conduire à des améliorations significatives des résultats en matière de santé. Lorsque les organisations de la société civile et les gouvernements collaborent, ils peuvent tirer parti de leurs forces respectives pour construire des systèmes de santé plus résilients. 

Deuxièmement, il est essentiel de développer des cadres juridiques qui permettent aux organisations de la société civile de fonctionner librement. Par exemple, la loi sur les ONG de l’Ouganda de 2016 a été conçue pour créer un environnement plus structuré pour les organisations de la société civile, mais elle a également imposé des restrictions importantes, telles que des processus d’enregistrement contraignants et des limitations des zones d’opération. Les cadres réglementaires devraient garantir une surveillance sans étouffer le travail essentiel de ces organisations. 

Enfin, assurer la stabilité financière des organisations de la société civile est vital pour leur succès à long terme. L’approche du Fonds mondial consistant à fournir des subventions pluriannuelles aux organisations de la société civile dans divers pays africains offre un modèle de financement durable. En garantissant un financement fiable et à long terme, les parties prenantes peuvent permettre à ces organisations de planifier et de mettre en œuvre des programmes percutants avec une plus grande confiance. 

 

Une priorité d’action, pour sauver des vies et transformer la santé en Afrique

Se concentrer sur ces trois domaines renforcera considérablement la capacité des organisations de la société civile à promouvoir l’équité en matière de santé et l’accès à travers l’Afrique. Des partenariats renforcés entre les organisations de la société civile, les gouvernements et le secteur privé pourraient conduire à des interventions sanitaires plus efficaces et durables. Des cadres juridiques favorables pourraient permettre aux organisations de la société civile de fonctionner avec plus de liberté et d’efficacité. Des mécanismes de financement stables et à long terme leur permettraient de planifier, mettre en œuvre et étendre des programmes percutants. 

Il est crucial que toutes les parties prenantes, décideurs politiques, donateurs, prestataires de soins de santé et dirigeants communautaires, reconnaissent la valeur ajoutée apportée par les organisations de la société civile et soutiennent activement leur autonomisation. Ce faisant, nous pouvons créer un système de santé plus équitable, accessible et résilient, capable de relever les défis actuels et futurs. La route à suivre exige engagement et collaboration, mais les récompenses potentielles, en termes de vies améliorées et sauvées, font de ce parcours une priorité que nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer.

 

Remerciement aux auteurs : Leonora Mbithi, Jennifer Mamwa, Boniface Mbuthia, Olatubosun Akinola