Dans un quartier tranquille de la région de Casamance, au sud du Sénégal, deux générations de femmes mandingues retracent leurs parcours dans la lutte contre l’excision et les mutilations génitales féminines (MGF).
Awa Diassy, une éducatrice d’une vingtaine d’années, et sa grand-mère, Coumba Donna, aînée respectée et ancienne exciseuse, ont traversé une transformation personnelle et culturelle qui incarne l’espoir et le progrès pour leur communauté.
Un chemin personnel
Awa a toujours su qu’elle voulait faire partie du changement. En grandissant, elle a vu à quel point l’excision et les mutilations génitales féminines étaient profondément enracinées dans sa communauté et les dommages qu’elles causaient.
Elle s’est formée pour devenir éducatrice. Aujourd’hui en poste au Centre de conseil pour adolescentes de Kolda, elle est aussi présidente du parlement des jeunes anti-MGF. Son activisme est enraciné dans son histoire personnelle. Jeune fille, elle a été témoin de l’excision de sa sœur, un événement traumatisant qui a failli se terminer en tragédie.
« Ma petite sœur a failli mourir », se souvient Awa. « Elle a souffert d’une grave hémorragie et la famille avait trop peur de l’emmener à l’hôpital. »
Assise à ses côtés, sa grand-mère, Coumba l’écoute, le regard profond. Elle aussi a connu les problèmes liés à la pratique. Autrefois, elle était une exciseuse et respectée comme telle dans la communauté.
« J’ai pratiqué cela pendant plus de dix ans », dit-elle. « Dans certains villages, je pouvais exciser jusqu’à 20 filles par jour. »
En tant qu’aînée et pratiquant ce rituel traditionnel, Coumba faisait figure d’autorité sur les coutumes locales. Ce statut lui a donné une influence particulière au sein de sa communauté. Mais elle y a renoncé et a décidé de ne plus pratiquer. Sa petite-fille y est pour beaucoup.
Une nouvelle perspective
Déterminée à mettre fin à cette pratique néfaste, Awa a rejoint le projet The Girl Generation mené par les équipes d’Amref Health Africa dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Sénégal. Une fois enrôlée, elle a appris les techniques de sensibilisation pour aborder, avec empathie et sensibilité, le sujet délicat des traditions profondément enracinées.
« Pour une meilleure sensibilisation, vous devez d’abord avoir des informations », explique Awa.
Dotée des connaissances acquises au cours de sa formation, elle a mis en place des dialogues mère-fille, qui ont permis aux familles d’échanger ouvertement sur ces pratiques et de leur conséquences sur la santé des filles et des femmes. Ces conversations n’étaient pas faciles. Le manque de connaissances, les idées reçues et la résistance étaient courants. La crainte du qu’en-dira-t-on et la peur du changement étaient profondes. Mais Awa a persévéré. Elle a même confronté à sa propre famille.
La conversation la plus difficile qu’Awa a eue fut celle avec sa grand-mère, Coumba, qui l’avait excisée lorsqu’elle était enfant.
Awa a utilisé tout ce qu’elle avait appris dans sa formation : les aides visuelles, les données factuelles sur les séquelles graves à long terme, des textes de loi… Elle a même menacé de dénoncer sa grand-mère à la police si elle n’arrêtait pas de pratiquer l’excision. Au départ, Coumba était sur la défensive et contrariée.
« Nous ne nous parlions plus », se souvient Awa. « Elle s’est sentie blessée par mes paroles quand je lui ai dit qu’elle devait abandonner cette pratique. »
Mais Awa a fait preuve d’empathie et de compréhension, évitant de la blâmer. Elle a mis l’accent sur l’amour pour sa grand-mère et le désir de protéger les générations futures. Finalement, Coumba a commencé à écouter et à réfléchir. Elle a été touchée par le courage et la maturité de sa petite-fille.
« Depuis qu’Amref a commencé à sensibiliser le public, je n’ai pas excisé de filles », admet Coumba.
Le travail d’Awa a porté ses fruits. L’ancienne exciseuse reconnaît que, bien qu’elle soit une tradition, la pratique de l’excision cause des dommages de toutes sortes à celles qui la subissent.
« Les filles qui sont excisées souffrent souvent de conséquences sur leur santé à vie, en particulier pendant l’accouchement », dit-elle. « J’ai abandonné cette pratique parce que je me suis rendu compte des dégâts qu’elle faisait. »
La transformation de Coumba n’était pas seulement une victoire personnelle, mais aussi un changement important pour toute la communauté de Kolda. Son influence en tant qu’aînée, combinée au travail d’éducatrice d’Awa, est un levier qui aide au changement de mentalité. Ensemble, elles créent un pont entre l’ancienne tradition et une nouvelle façon de vivre ensemble où l’excision n’a plus sa place.
Leur combat prouve que, dans la lutte contre les MGF, le dialogue intergénérationnel peut conduire à une transformation durable. C’est le sens de l’action d’Amref Health Africa.
Le rôle d’Amref Health Africa
Amref Health Africa joue un rôle de catalyseur, qui est crucial pour installer ces conversations au sein des localités où l’excision et les MGF persistent. En formant de jeunes éducatrices militantes, comme Awa, et en engageant des aînés, gardiens des traditions, comme Coumba, nos programmes tissent un réseau d’acteurs locaux influents et déterminés à mettre fin à ces pratiques néfastes. Les exciseuses, autrefois centrales dans la pratique, sont aujourd’hui des alliées puissantes pour protéger les filles et lutter contre les MGF.
« Si nous continuons cette pratique, nous sommes responsables des dommages qui s’ensuivent », explique Coumba.
« Nous avons parlé, écouté et débattu, et maintenant nous partageons le même objectif », dit Awa. « Les MGF doivent cesser, et le cycle du mal doit être brisé. »
Aujourd’hui, Awa et Coumba sont assises côte à côte, unies pour un même combat. Malgré les blessures du passé, elles illustrent le pouvoir du dialogue, du pardon et de la persévérance pour mettre fin à l’excision.
#STOPEXCISION Soutenez leur combat !
Agissez à nos côtés pour mettre fin à l’excision et aux mutilations génitales féminines.
Rejoignez la campagne #STOPEXCISION pour signer notre pétition et faire un don. Merci pour votre soutien.
Témoignage recueilli par Wesley Koskei. Photo : Amref Health Africa / Jacques Manga