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Rencontre avec Monica, championne Amref dans la lutte pour l’abolition des Mutilations Sexuelles Féminines en Tanzanie

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“Je m’appelle Monica, je suis une femme mariée heureuse et mère de trois enfants. Je suis une fière massai de Kilindi, en Tanzanie. Notre tribu est riche de cultures étonnantes qui ont été préservées pendant de nombreux siècles. Par exemple le respect que nous avons pour nos aînés, nos perles et nos vêtements colorés, notre langue et même la beauté naturelle que Dieu nous a accordée. Cependant, une chose me dérange : la pratique de l’excision. C’est cela, ainsi que d’autres défis auxquels notre communauté est confrontée, qui m’a poussé à étudier les métiers du travail social à l’université.

C’est ma passion d’améliorer la santé et le bien-être de la communauté en donnant aux filles et aux jeunes femmes les moyens de se prendre en charge. Je veux les voir à un niveau plus élevé que celui où elles se trouvent actuellement. J’ai le sentiment qu’elles ont besoin d’être éduquées afin d’être plus indépendantes et plus confiantes en elles”.

Pourquoi avez-vous commencé à travailler en tant que championne pour la fin de l’excision ?

“Dans ma communauté, la pratique des Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) est très courante. Cette pratique s’accompagne de nombreux autres défis dans la vie des filles et des femmes. Lorsqu’elles se font exciser, la plupart d’entre elles abandonnent l’école et se marient très jeunes. L’excision justifie le mariage, quel que soit l’âge de la fille. Souvent, les filles tombent enceintes et certaines d’entre elles meurent en accouchant. Je trouve cela désolant et suis convaincue que l’excision n’est pas nécessaire. Alors que j’avais pris la décision d’en parler avec les gens de ma communauté, j’ai remarqué l’hésitation dans leurs yeux. C’est alors que j’ai décidé que je voulais changer la situation dans la communauté. J’ai commencé à faire entendre ma voix afin de sensibiliser les gens et de briser le tabou.

Le chemin que j’ai pris n’a pas toujours été facile. J’ai remarqué que la communauté rejetait mes discussions au début. Vous voyez, en Tanzanie, quand vous contestez la culture de quelqu’un, vous touchez le cœur de la communauté. C’est dans notre culture que réside notre unicité et notre fierté, donc arrêter la pratique qui existe dans la communauté depuis de nombreuses années n’est pas quelque chose de facilement acceptable. Les gens parlaient dans mon dos. Ils disaient que j’avais perdu la tête et ma culture parce que j’étais à l’université et ils essayaient d’effrayer les filles en leur disant que cela leur arriverait s’ils suivaient mon chemin.

Mais je n’ai jamais abandonné !

Je savais que je devais commencer par les anciens. Ils sont très influents dans la communauté Massaï et il me fallait d’abord les convaincre. Je leur ai expliqué à travers des exemples pourquoi les MSF sont néfastes pour les femmes et leur santé. Je leur ai même montré une vidéo parce qu’ils ne savaient rien de cette pratique. Je leur ai aussi montré les résultats d’autres communautés en Tanzanie qui ne pratiquent pas l’excision. Ces villages ont des infirmières, des enseignantes, des médecins, tout cela parce qu’ils laissent leurs filles aller à l’école et à l’université pour qu’elles puissent devenir les femmes de leurs rêves. Je leur ai dit que nos filles étaient laissées pour compte.

Changer une tradition au sein d’une culture n’est pas quelque chose qui se fait en un jour. Il leur a fallu de nombreuses années pour comprendre ce que je disais. Et c’est là que j’ai rencontré Amref Health Africa et que je suis devenue une championne dans la lutte pour l’abolition des MSF”.

Pouvez-vous décrire votre travail en tant que championne ?

Avec Amref j’ai pu faire plus. La communauté leur faisait déjà confiance grâce à un projet de fourniture d’eau potable. Amref avait également initié des discussions sur différents sujets sensibles. Aujourd’hui, six ans plus tard, j’ai obtenu de très bons résultats dans mes entretiens éducatifs avec chaque membre de la communauté. Des anciens aux leaders, en passant par les filles et les garçons. Et je peux vraiment voir que le changement est en train de se produire”.

Comment la COVID-19 a-t-elle affecté votre région ?

“Au début de la pandémie, je n’ai pas pu atteindre toutes les filles. Nous ne pouvions pas organiser de réunions, tout le monde restait à la maison et les écoles étaient fermées. J’ai entendu dire que beaucoup de filles ont été victimes d’excisions à ce moment-là. Cela m’a vraiment frustrée car je ne veux pas voir les filles souffrir. Je me souviens que je téléphonais aux anciens du village pour qu’ils informent leur population des droits des filles. Beaucoup d’entre eux m’ont promis de garder un œil sur elles. Je pouvais me rendre dans un village à la fois pour faire du porte-à-porte et je donnais mon numéro à tous les foyers pour qu’ils puissent me joindre toute la journée et toute la nuit s’ils avaient des problèmes. Je voulais voir de mes propres yeux si les filles étaient en bonne santé et lorsque je soupçonnais qu’une fille était en danger, j’appelais l’agent de santé communautaire local ou le chef du village. J’ai également reçu de nombreux appels de filles qui craignaient d’être soumises à des mutilations sexuelles. Amref a décidé d’intervenir et m’a aidée en organisant une émission de radio. J’ai pu atteindre des milliers de personnes et des villages dans les régions éloignées.

Heureusement pour nous, le confinement n’a pas duré trop longtemps. Dans la plupart des endroits, nous étions de nouveau sur les rails après un à trois mois et les écoles ont également rouvert.”

Qu’est-ce qui vous inspire ?

“Les autres championnes me motivent. Elles sont tellement inspirantes et ont tant fait. En particulier la Massaï kenyane Nice Nailantei Leng’ete qui est un véritable modèle.  Elle a accompli tellement de choses ! Elle m’inspire quotidiennement à toujours faire plus, donner plus et ne jamais abandonner !”.

Quelle est votre ambition ?

“Je rêve d’un monde sans douleur et dans lequel il n’y aurait plus de MSF. Je souhaite voir les filles de Tanzanie devenir enseignantes, médecins, infirmières, ingénieures, pilotes. Elles peuvent devenir tout ce qu’elles veulent. Pas seulement être mariées dès l’âge de 15 ans.”

Quel est votre message pour les filles du monde entier ?

“Faisons entendre notre voix pour l’éducation. Vous, en tant que fille, avez droit à l’éducation. Et personne n’a le droit de vous exciser. N’ayez pas peur ! Défendez vos droits !”.