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Mary Daniel : L’inquiétude d’une mère pour ses fils touchés du syndrome du hochement de tête

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Le village de Kazana II, dans l’État de l’Équatoria occidental au Soudan du Sud, n’est pas un village comme les autres. En vous promenant dans ses sentiers bordés de grandes herbes, vous y verrez des enfants jouant à l’extérieur. Mais un peu plus loin, d’autres sont assis et plus silencieux, à côté d’une hutte soignée sous les manguiers. Ce sont les fils de Mary Daniel, Samson et Uriah, tous deux atteints d’une maladie rare :  le syndrome du hochement de tête. Presque toutes les familles de Kazana II ont un enfant qui en souffre. 

Cette forme d’épilepsie est une maladie neurologique négligée caractérisée par des convulsions de hochement de tête, d’où le nom du syndrome. Au fil du temps, non traitée et en raison d’une détérioration neurologique, elle entraîne des taux élevés de décès prématurés. 

Pour Mary et ses fils, comme pour d’autres famille du village de Kazana II, cette maladie les a plongés dans une grande détresse émotionnelle et sociale. Mère célibataire, elle avait déjà pleuré la perte de deux enfants. Tous ses espoirs étaient placés dans ses deux fils survivants, Samson et Uriah. Mais le diagnostic de leur maladie a tout changé. 

« J’ai eu quatre enfants, et après en avoir perdu deux, j’ai placé tous mes espoirs dans les deux garçons, et maintenant qu’ils sont malades, cela rend la vie difficile. Je pensais qu’ils m’aideraient, mais les crises ont changé la façon dont je me sentais à propos de leur avenir », dit-elle. 

Il y a un peu plus d’un an, les deux garçons ont commencé à présenter des symptômes du syndrome du hochement de tête. 

Un matin, Samson (9 ans) a commencé à avoir des convulsions, quelque chose que la mère n’avait jamais vu. Lorsqu’elle l’a emmené à l’hôpital, il a d’abord été mal diagnostiqué et traité pour le paludisme. Sa situation a continué à s’aggraver à mesure que les crises devenaient plus fréquentes et plus intenses. 

Peu de temps après, Uriah (12 ans), le fils aîné de Mary, a eu ses premières crises d’épilepsie alors qu’il traversait une rivière à proximité et a failli se noyer, si ce n’était des passants qui sont venus à son secours. 

Une situation désespérante 

Face à l’impuissance et vivant déjà en marge de la société, ce furent les périodes les plus difficiles de la vie de Mary. Elle a dû déscolariser Samson de peur qu’il ne fasse des crises d’épilepsie et qu’il ne rentre pas à la maison. 

« Je voulais avoir mon fils près de moi, voir mon enfant, parce que j’avais peur qu’il s’égare et qu’il lui arrive quelque chose », dit-elle. 

La maladie laissait les garçons faibles et inactifs, et la plupart des jours et des nuits, Mary savait toujours qu’une crise d’épilepsie était imminente. Cela a eu un impact sur son état mental et sa productivité, car elle ne pouvait pas se concentrer sur son agriculture à petite échelle et, par conséquent, ne pouvait pas subvenir aux besoins de sa famille. 

Au bout de quelques semaines, des agents de liaison du programme de l’Alliance contre le syndrome du hochement de tête ont été alertés des difficultés de la famille et ont demandé de l’aide.  

Les garçons ont été emmenés dans une clinique locale d’épilepsie mise en place par le programme. Les deux garçons qui avaient d’abord été mal diagnostiqués ont été recrutés et ont commencé un traitement. Pour Mary, les médicaments ont été d’une grande aide. 

« Depuis qu’ils ont commencé à prendre des médicaments, les crises sont devenues de moins en moins fréquentes jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent, et les garçons sont plus heureux maintenant. »     

 L’Alliance contre le syndrome du hochement de tête 

Au Soudan du Sud, Amref Health Africa, est l’un des membres fondateurs de l’Alliance contre le syndrome du hochement de tête. 

Cette coalition de partenaires ayant différents domaines d’expertise s’efforcent d’identifier et de traiter les cas de syndrome du hochement de tête et de traiter ses impacts socio-économiques plus larges. Le programme soutient également la recherche visant à identifier les causes, la prévention et le traitement de la maladie qui affecte les familles et les localités comme le village de Kazana II. 

Le programme travaille étroitement avec les agents de sensibilisation de la communauté pour identifier les cas de syndrome du hochement de tête dans la région. Une fois identifiées, les familles, comme celle de Mary, sont soutenues pour accéder aux médicaments et prendre en charge l’état des patients. 

L’implication d’Amref Health Africa a permis des avancées significatives. Trois cliniques d’épilepsie ont été mises en place (Hôpital Maridi, Hôpital Lui, Unité de soins de santé primaires de Mundri). A ce jour, plus de 4 000 consultations ont été menées par trimestre, permettant à près de 3 250 patients d’accéder au traitement, grâce au travail de référencement des agents de santé communautaire. 

Au niveau communautaire, 68 bénévoles communautaires ont été formés, déployés et actifs dans l’identification des cas et l’orientation de ceux-ci vers des cliniques d’épilepsie. Les mêmes bénévoles suivent régulièrement les patients à domicile, assurent la réadaptation, luttent contre la stigmatisation et plaident en faveur d’un développement inclusif au profit des personnes atteintes d’épilepsie. 

 Plus de 20 écoles participent à la réinsertion des enfants et des jeunes atteints d’épilepsie et du syndrome du hochement de tête. 

Un traitement efficace 

Le suivi des patients traités démontre une amélioration de la qualité de vie pour 90 % d’entre eux depuis le début du traitement. 94% des patients rapportent une diminution des crises ou épisodes de hochement de tête. 

Pour les fils de Mary, les progrès sont visibles. Ils font partie des 1 070 enfants suivi régulièrement par des visites à domicile. Avec leur vitalité retrouvée, leur mère peut à nouveau compter sur eux pour l’aider dans les tâches ménagères. Elle peut reprendre son activité agricole. 

Le plus grand, Uriah, peut désormais se rendre seul à l’école. Une fois qu’elle aura amassé suffisamment d’argent pour les frais de scolarité, Mary prévoit de réinscrire Samson. Mais elle s’inquiète pour le bien-être et l’avenir de ses enfants. 

« Je prie pour qu’ils aillent mieux afin qu’ils puissent m’aider de la même manière que d’autres enfants soutiennent leur famille », confie-elle. 

Les agents de santé communautaires rendent régulièrement visite à Mary, et aux autres familles du village de Kazana II, pour leur apporter leur soutien et suivre les progrès des patients. La clinique d’épilepsie installée à l’hôpital local de la ville de Maridi offre un refuge pour les cas actuels et émergents de syndrome du hochement de tête et d’autres formes d’épilepsie. 

Mary insiste sur le fait qu’elle n’est pas la seule mère du village à avoir des enfants souffrant de cette maladie. Sa sœur Phoebe a un enfant qui en souffre, et certains de ses voisins ont au moins un enfant atteint du même cas. 

« Je lance un appel pour que nous continuions à recevoir les médicaments pour les enfants et à nous soutenir parce que, en tant que mère célibataire, il n’y a personne pour assumer nos problèmes à notre place », dit-Mary. 

Le combat continue 

 Il est essentiel de pouvoir continuer à soutenir plus de 3200 patients suivis dans ce programme, principalement des enfants et de jeunes adultes. Cela nécessite d’assurer le bon fonctionnement des 3 cliniques d’épilepsie, la formation continue des 20 membres du personnel de santé, et la fourniture en équipement et médicaments. 

Sur le plan du suivi/évaluation et de la recherche médicale, il faut permettre que des analyses et des études plus poussées soient effectuées sur les données recueillies par le programme. Ce afin de mieux adapter les interventions et de faire progresser les connaissances sur cette maladie rare- mais dévastatrice pour les personnes et leur famille. 

Au niveau social, le travail doit se poursuivre en parallèle. Il s’agit de réduire la stigmatisation et la marginalisation dans les communautés touchées par le biais d’initiatives communautaires. La formation de bénévoles est essentielle pour renforcer les mécanismes de surveillance, de suivi et d’orientation et pour veiller à ce que les agents de santé de première ligne soient équipés des connaissances nécessaires sur le traitement et la stigmatisation dans les communautés et pendant les soins. 

Grâce au soutien financier des partenaires institutionnels et des donateurs, nous pouvons veiller à ce que toutes les communautés du Sud Soudan qui sont touchées par le syndrome du hochement de tête, y compris les plus éloignées et les plus difficiles à atteindre, soient soutenues, informées et prises en charge. 

À propos du syndrome du hochement de tête 

Une mystérieuse maladie dévastatrice touche des milliers d’enfants et de jeunes adultes. Le syndrome du hochement de tête est une affection neurologique négligée caractérisée par des convulsions de hochement de tête, d’où le nom du syndrome, une détérioration neurologique au fil du temps entraînant des taux élevés de décès prématurés.  

En plus de la manifestation physique globale de la maladie – et en raison d’un manque de connaissances sur la façon dont la maladie se propage – les enfants touchés sont souvent perçus comme un fardeau au sein de leur communauté et à la maison ; abandonnent souvent rapidement l’école et sont marginalisés et isolés au sein du ménage. La stigmatisation sociale se poursuit au-delà de l’enfant et s’étend aux familles elles-mêmes, avec des résultats tout aussi percutants : les familles finissent par s’isoler socialement et ont un impact significatif sur leurs moyens de subsistance en tombant dans la pauvreté. 

À ce jour, les causes de la maladie restent inconnues, ce qui rend le traitement et les soins extrêmement difficiles.